Stilicon (en latin : Flavius Stilicho), né vers 360 près de Constantinople, mort le 22 août 408 à Ravenne, est un militaire et homme politique romain d'origine barbare sous les règnes
de Théodose, empereur d'Orient de 379 à
395, et de ses fils Honorius (Occident) et Arcadius (Orient).
Entré tôt dans
l'armée, Stilicon devient un des principaux généraux de Théodose, dont il épouse la nièce
en 384.
Nommé généralissime en 394, il prétend, à la mort de Théodose, avoir reçu la
régence de l'Empire.
Il ne réussit cependant pas à imposer son autorité à l'Empire romain d'Orient.
De 395 à 408, il exerce donc la régence de l'Empire romain d'Occident, Honorius
devenant son gendre en 398.
Il mène plusieurs
campagnes contre les barbares et combat l'usurpateur Gildon en Afrique. En 403, il repousse les Wisigoths d'Alaric Ier en Italie, puis est vainqueur
en 405 (ou 406) des Ostrogoths de Radagaise à Fiesole.
Mais pour protéger
l'Italie, Stilicon a dû dégarnir les frontières, et lorsque durant
l'hiver 406 des
armées de Vandales et
d'Alains franchissent
le Rhin gelé, l'armée romaine n'est pas en mesure de les arrêter.
Au printemps 407, Stilicon échoue également à
briser l'usurpation de Constantin III en Gaule et en Bretagne.
Durant sa régence,
Stilicon mène une politique similaire à celle de Théodose : intégration
des barbares dans l'armée et la société, ce qui suscite des frictions avec
les notables romains. Sur le plan religieux, il concourt à la promotion
du christianisme nicéen et combat à la fois
les hérétiques (ariens et donatistes), et le paganisme (destruction
des Livres sibyllins en 405). Il s'attire ainsi l'animosité des élites
romaines, notamment celle du Sénat.
Dans la conjoncture
désastreuse des années 407-408, Honorius se laisse persuader par son
entourage que Stilicon complote contre lui et le fait exécuter le 22 août 408.
Stilicon est le fils
d'un Vandale entré
au service de Rome,
qui commandait vraisemblablement un escadron de la cavalerie de
l'empereur Valens1 et
d'une mère romaine originaire de PannonieNote
1,
Sur le plan
ethnique, Stilicon est donc en partie vandale, mais sur le plan juridique, il
est citoyen romain,
comme l'indique son nom complet, où Flavius indique le rattachement (juridique) à la famille impériale.
Les débuts (des
années 370 à 395)[modifier | modifier le code]
Il entre très tôt
dans l'armée, dans le corps
des protectores,
puis gravit rapidement les échelons. Devenu successivement tribun militaire (tribunus), puis tribunus et notarius, il fait
partie du personnel entourant directement l'empereur1 Théodose, alors à la tête des provinces orientales de l'Empire.
En 383, en tant que tribun de
la garde prétorienne, il participe à une ambassade auprès du roi des Perses, Shāpūr IIINote 2. La
négociation aboutit à la conclusion d'un traité favorable à l'Empire1.
À son retour
en 384, l'empereur
récompense Stilicon en lui accordant la main de sa nièce et fille
adoptive, Serena2,
fille du frère de Théodose, Honorius. Serena est une belle3 jeune fille ambitieuse et
écoutée de son oncle4.
Ce mariage semble avoir été un mariage d'amour1, étant donné que Stilicon n'est pas à ce stade le meilleur
des partis : il obtient pourtant la préférence parmi un grand nombre
d'autres prétendants. À partir de là, Serena déploiera beaucoup d'énergie
pour garantir la carrière de son épouxNote 3.
Dès 385, Théodose nomme Stilicon magister equitum (maître de la cavalerie) et comes domesticorum (comte des domestiques),
c'est-à-dire chef de sa garde rapprochée. Deux ans plus tard, il est
promu magister militum per Thracias, autrement dit
commandant de la cavalerie et de l'infanterie de l'armée de Thrace, devenant le deuxième
officier de Théodose, après Promotus.
En 388, il suit Théodose dans la
guerre contre l'usurpateur Magnus Maxime qui tente alors de prendre le contrôle de l'Occident aux
dépens de l'empereur légitime, Valentinien
II, beau-frère de Théodose.
Peu avant 393, alors que Théodose s'efforce
de reformer l'unité de l'Empire sous sa direction, Stilicon devient
même magister peditum præsentalis et magister utriusque
militiæ5,
c'est-à-dire généralissime des armées romaines5. À ce titre, le 5 septembre 394, il participe aux côtés de l'empereur à la bataille de la rivière froide contre
l'usurpateur Eugène et le général Arbogast, responsables de la mort de Valentinien II. Les troupes de
Stilicon et du général wisigoth Alaric l'emportent, ce qui permet le rétablissement de l'unité
de l'Empire.
Le retrait du
général Flavius Timasius laisse
à Stilicon le contrôle absolu des armées6. Il est dès lors, avec le préfet
du prétoire Rufin, le principal personnage de l'Empire7. Si son ascendance barbare lui
interdit[réf. nécessaire] de devenir empereur, il s'est imposé comme le premier
général de Rome. C'est la raison pour laquelle Théodose mourant lui aurait
confiéNote 4 la
régence de l'Empire au nom de ses deux fils encore jeunes, Arcadius et Honorius, à qui il laisse
respectivement l'Orient et l'Occident. Lorsque l'empereur décède, le 17 janvier 395, c'est à Stilicon qu'il
revient de protéger les deux enfantsNote 5,8 et
de maintenir la cohésion des deux parties de l'Empire.
Régent de l'Empire
romain d'Occident[modifier | modifier le code]
Les années 395-398[modifier | modifier le code]
Partition définitive de l'Empire romain en 395 entre l'Occident d'Honorius et l'Orient d'Arcadius.
La séparation des
deux parties de l'Empire (395)
Stilicon ne se
trouve cependant pas en mesure de réaliser les dernières volontés de
l'empereur défunt. Il doit tenir compte de l'opposition de Rufin, préfet du
prétoire de Théodose, protecteur d'Arcadius en Orient : l'unité de
l'Empire est de nouveau rompue. Au lieu de diriger l'Empire de façon
collégiale, les deux frères se disputent même le contrôle de certains
territoires à la limite des Empires d'Occident et d'Orient, notamment la préfecture d'Illyrie9.
La guerre contre les
fédérés wisigoths de Mésie (395-397)
En 395, il doit aussi faire face au
soulèvement des fédérés wisigoths d'Alaric en Mésie. Stilicon conduit l'armée en direction de la Thrace et de la Macédoine à travers l'Illyrie
ravagée par les barbares. Il reçoit cependant l'ordre d'Arcadius d'envoyer
une partie de ses troupes à Constantinople pour protéger la capitale10. Privé d'une fraction de son armée, Stilicon ne parvient pas,
en dépit de plusieurs affrontements en Thessalie, à empêcher Alaric de pénétrer en Grèce. En novembre, les troupes de
Stilicon appelées à Constantinople, sous les ordres du général goth Gaïnas, assassinent Rufin10, sans que Stilicon parvienne
pour autant à étendre sa régence à l'Empire romain d'Orient.
Arcadius, empereur romain d'Orient de 395 à 408.
En 397, après un bref passage sur le
front du Rhin,
Stilicon reprend la campagne contre les Wisigoths qui se livrent au pillage
dans le Péloponnèse. Corinthe, Sparte et Mégare sont prises et ravagées ; Athènes n'évite leur sort
qu'en livrant une lourde rançon aux barbares. Mais il ne parvient pas à
contraindre Alaric à l'affronter dans une bataille rangéeNote 6. Résolu à régler lui-même
le problème, Arcadius, sur les conseils de l'eunuque Eutrope, offre aux Wisigoths de nouveaux territoires et à leur chef
le titre de magister militum per Illyricum (officier général des troupes illyriennes). Stilicon est
contraint de négocier avec celui qui est devenu l'ennemi du seul empire
d'Occident. Dans le même temps, l'eunuque Eutrope fait déclarer
Stilicon hostis publicus (ennemi du peuple) de l'Empire romain d'Orient, sous prétexte qu'il est
intervenu en Grèce sans attendre la permission d'Arcadius11.
La guerre contre
l'usurpateur Gildon (397-398)
Stilicon est
contraint de revenir en Italie à la suite de la révolte du comte d'Afrique, Gildon au milieu de
l'année 397.
Celui-ci bloque en Afrique les cargaisons de blé nécessaires à la subsistance
de Rome et des préfectures occidentales, dans le but de faire naître des
révoltes contre l'empereur Honorius et son régent. Eutrope lui apporte le
soutien de l'Empire romain d'Orient et Gildon fait acte d'allégeance à
Arcadius. Stilicon réquisitionne aussitôt du blé en Hispanie et en Gaule, parvenant à éviter la
famine. Il fait décréter Gildon hostis
publicus, sans pour autant entrer en conflit
ouvert avec la cour d'Orient. En 398, il envoie en Afrique le général Mascezel, frère de Gildon, pour
mettre fin à sa rébellion.
L'usurpation de
Gildon prend fin en 398 lors
de la bataille de l'Ardalio. La mort de MascezelNote
7 peu après laisse à Stilicon tout le
prestige de cette victoireNote 8. La même année, il marie sa fille aînée Marie à Honorius. Deux ans
plus tard, Stilicon est honoré du consulat
ordinaire pour l'année 400.
À Constantinople,
Eutrope est renversé et exécuté en 399 et remplacé par Aurélien, chef d'une faction hostile aux
barbares. Après des affrontements avec les officiers supérieurs d'origine
germanique de l'armée, Gaïnas, Tribigild et Fravitta, Aurélien devient au cours de l'année 401 le maître réel de
Constantinople12.
La défense de
l'Italie (401-406)[modifier | modifier le code]
L'attaque d'Alaric
(401-402)
En novembre 401, Alaric se soulève de nouveau,
mais cette fois, il envahit l'Italie. Il pille Aquilée et vient mettre le
siège à Milan, résidence impériale d'Honorius.
Stilicon, alors en campagne sur le Rhin, revient en Italie avec des soldats
retirés de Bretagne et de Gaule. Alaric quitte alors Milan et se dirige
vers Asti à
travers la plaine du Pô. Stilicon le rattrape et le défait à Pollentia le 6 avril 402. Si les armées d'Alaric ne
sont pas détruites, Stilicon pille son campement militaire et récupère le
trésor des WisigothsNote 9. Une autre bataille a lieu en 403 près de Vérone ; cette fois, Alaric est obligé de quitter l'Italie13 et se retire en Illyrie.
Pour commémorer
cette victoire, l'empereur et son généralissime sont invités14 à mener un triomphe à Rome. Stilicon et
Honorius défilent devant le peuple dans le même char ;
exceptionnellement, les sénateurs sont exemptés de l'obligation de défiler à pied devant
l'Imperator15. À cette occasion, des jeux et spectacles grandioses sont organisés. C'est à cette
occasion que les derniers combats de gladiateurs ont lieu à Rome, avant qu'Honorius ne décide de les
interdire16. Par la
suite, Stilicon est de nouveau honoré du consulat ordinaire pour
l'année 405.
La victoire sur
Alaric n'est cependant qu'un répit : à la fin de l'année 405, un Ostrogoth du nom de Radagaise franchit les Alpes à la tête d'une
imposante arméeNote 10 regroupant,
autour des Ostrogoths, des Vandales, des Burgondes, des Suèves, des Alains et des Hérules et pénètre en Italie. Il mène une série de pillages dans
la vallée du Pô, contourne la forteresse de Ravenne, devenue la nouvelle capitale impérialeNote 11, puis parvient à traverser
les Apennins et
débouche en Étrurie avec Rome pour objectif17. Stilicon décrète, pour repousser les barbares, toute une
série de mesures d'urgence17 : des provinciaux sont intégrés dans l'armée sur la base
du volontariat, de même que certains esclaves à qui l'on promet en récompense
la liberté18 tandis
qu'un impôt exceptionnel doit permettre de payer les contingents barbares au
service de l'Empire19.
Les envahisseurs attaquent Florence mais doivent se retirer après l'intervention de l'armée
de Stilicon arrivée de Pavie. Celui-ci repousse l'armée ennemie jusqu'aux hauteurs
de Fiesole où
il réussit à les encercler à l'été 406. Contraints par la famine, un grand nombre de soldats de
Radagaise se rendent tandis que le reste est massacré. Le chef ostrogoth est
capturé et exécuté le 23 août 406.
Stilicon est de
nouveau célébré comme le sauveur de Rome. Tandis qu'un arc de triomphe, inauguré à Rome,
commémore cette grande victoire13, une statue d'or et d'argent dédiée « à Flavius
Stilicon, clarissime et illustre, deux fois consul ordinaire, maître des deux
milices, comte des domestiques et de l'écurie sacrée (…) associé à toutes les
guerres et victoires » est élevé sur les Rostres au nom du
peuple, « en raison de l'affection singulière et de la prévoyance
qu'il a manifestées à son égard »20.
Diocèses de l'Empire romain en l'an 400.
Le conflit avec
Arcadius autour de l'Illyrie (406-407)[modifier | modifier le code]
Fort de ces succès,
et alors que la cour d'Arcadius, entre les mains du parti anti-barbare, lui
est résolument hostile, Stilicon envisage pour la première fois la
possibilité d'une guerre avec l'Empire romain d'Orient.
Le point
d'achoppement entre les deux Empires est, depuis la scission, la question de
la possession de la préfecture d'Illyrie. En position de force, Stilicon
exige à la fin de l'automne 406 de rassembler l'Illyrie orientale, sous l'autorité
nominale d'Arcadius depuis 396, à la Pannonie qu'il contrôle déjà, en référence au partage de l'Empire
tel qu'il avait été fait par Gratien en 37921. Dans le même temps, Stilicon se rapproche d'Alaric, qui
contrôle le territoire au nom d'Arcadius, et le nomme, à son tour, magister militum per Illyricum22.
Malgré cela,
en 407, Stilicon
ordonne la fermeture des ports d'Italie aux navires venant d'Orient tandis
qu'Alaric prend possession de l'Épire au nom d'Honorius. Le généralissime s'apprête à
traverser lui-même l'Adriatique quand court la rumeur de la mort d'Alaric. Certains
historiens prétendent que cette rumeur aurait été propagée par Serena,
inquiète quant au succès d'une telle expédition, d'autres en attribuent la
responsabilité à la cour de ConstantinopleNote 12. Quoi qu'il en soit, si la rumeur se révèle vite fausse,
Stilicon a perdu du temps ; deux événements imprévus l'obligent alors à
différer la campagne sine die24.
La chute de Stilicon[modifier | modifier le code]
Constantin III, usurpateur en Occident de 407 à 411.
Le déferlement
barbare en Gaule et l'usurpation de Constantin (407)[modifier | modifier le code]
Dans la nuit
du 31 décembre 406, des groupes de Vandales, d'Alains, de Suèves et de Burgondes traversent le Rhin
gelé et submergent la garnison romaine de Mogontiacum. Ils se répandent ensuite en Gaule, qu'ils pillent et
ravagent25.
De plus, au cours de
l'année 407, un général de l'armée de Bretagne26, venu pour lutter contre les barbares, Constantin, se proclame Auguste à Trèves, préfecture du prétoire des
Gaules27, prenant le
contrôle de la Gaule et des Germanies, puis de l'Hispanie, privant Honorius
de la moitié de son EmpireNote 13.
L'échec de la
campagne contre Constantin
Stilicon demande à
l'empereur de le laisser tout de même partir pour l'Illyrie afin de faire
jonction avec les armées d'Alaric, dans le but de reconquérir les territoires
usurpés par Constantin, mais l'empereur, qui prête de plus en plus l'oreille
aux ennemis de son régent, refuse ; les accords passés avec Alaric sont
annulés.
Durant
l'automne 407, Stilicon
doit conduire avec les seules légions
romaines la campagne contre Constantin III.
Envoyé en Gaule, le général Sarus assiège Valence où se trouve alors Constantin, mais il est repoussé et
doit retraverser les Alpes28.
Cependant, Alaric,
qui avait occupé l'Épire en prévision de la campagne de Stilicon en Orient,
n'a reçu aucune compensation pour l'annulation de l'expédition militaire
prévue. Il occupe le Norique et exige le versement de 4 000 livres d'or29. Stilicon porte l'affaire
devant le Sénat, prônant l'apaisement et le versement de la somme
demandée : d'après lui elle ne saurait être considérée « sous
le jour odieux d'un tribut ou d'une rançon arrachée par les menaces d'un
ennemi barbare », attendu qu'« Alaric avait fidèlement soutenu les
justes prétentions de la république sur les provinces usurpées par les Grecs
de Constantinople »15, c'est une récompense pour avoir servi les intérêts de
l'empereur d'Occident. Au Sénat, l'opposition est très vive, mais le subside
est finalement accordé afin d'assurer la paix de l'Italie et de conserver
l'alliance du roi des Wisigoths. Lampadius, préfet
de la Ville, à la tête des partisans de la guerre
au nom de l'honneur de Rome s'écrie : « Ceci n'est point un
traité de paix mais un pacte d'esclavage ! »Note 14. Cette victoire politique
apparaît en fait une défaite morale pour le régent.
La mort d'Arcadius
(408) et ses conséquences[modifier | modifier le code]
La nouvelle de la
mort d'Arcadius, datant du 1er mai 408, se diffuse alors.
Mais Stilicon n'a
plus l'autorité suffisante pour se poser en régent des deux Empires. Il
s'efforce même de décourager Honorius d’aller à Constantinople prendre la
tutelle de son neveu Théodose II30, en raison des dangers du voyage. Stilicon propose de partir
lui-même, sans aucune illusion sur le succès d'un tel voyage, tant le parti
anti-barbare d'Anthémius y est puissant.
Honorius, de plus en
plus influencé par le maître des offices, Olympius, extrêmement critique envers Stilicon, se laisse convaincre
d'aller s'adresser aux armées rassemblées à Pavie, où les opposants à
Stilicon sont en majorité16. Arrivé sur place, l'empereur prononce contre Stilicon une
harangue de la main d'Olympius.
Diffusant ensuite
une rumeur selon laquelle le régent veut aller à Constantinople pour
renverser Théodose II et mettre son fils (qui est le petit-fils de Théodose)
sur le trône, Olympius déclenche, le 13 août 408, une émeute où sont massacrés tous les proches de StiliconNote 15.
Terrifié par ce
déchainement de violence, Honorius, sur les conseils d'Olympius, condamne les
victimes et pardonne aux assassins16. Au camp de Bologne, contre l'avis de ses généraux, Stilicon refuse de chercher
la vengeance par les armes et de mener une armée principalement barbare
contre l'empereur légitime31. Il quitte Bologne pour Ravenne où sont retranchés Honorius
et son favori.
La mort de Stilicon
(22 août 408)[modifier | modifier le code]
Averti, Stilicon se
réfugie avec ses proches et ses domestiques dans l'enceinte protectrice d'une
église de Ravenne. Au matin, des soldats aux ordres du comte Héraclien se présentent à
l'évêque maître des lieux, promettant de laisser la vie sauve à Stilicon s'il
consent à se remettre entre leurs mains. Stilicon calme ses gens, qui
s'étaient armés pour pouvoir le défendre32 et, pleinement conscient du sort qui l'attend, se
présente sur le perron où il est saisi par les hommes d'Héraclien.
Condamné par
l'empereur pour crime contre l'État, Stilicon meurt le 22 août 40833.
Peu après, son
fils Eucher, qui a
refusé de s'enfuir, est à son tour arrêté et exécuté34, tandis que l'impératrice
Thermentia, sa fille, est disgraciée avant d’être éloignée de la cour.
La politique
impériale sous la régence de Stilicon[modifier | modifier le code]
La poursuite de la
« barbarisation » de l'armée[modifier | modifier le code]
La politique de
Théodose
À son accession au
trône, Théodose, qui s'aperçoit que les effectifs et l'efficacité de l'armée
romaine ne permettent plus de contenir les poussées des barbares, met en
place une politique visant à les intégrer massivement. Si ses prédécesseurs
avaient permis l'implantation sur le territoire de barbares vaincus et leur
entrée dans l'armée, Théodose laisse des peuples entiers s'installer dans
l'Empire. Ainsi, en 382,
pour mettre fin à plusieurs années de guerre en Illyrie, il signe un fœdus avec les Wisigoths d'Athanaric et leur offre des
terres en Mésie35. En
parallèle, un grand nombre d'officiers d'ascendance barbare sont acceptés à
des postes de commandement importants, cette fois tant dans l'Orient de
Théodose que dans l'Occident de Gratien. C'est ainsi que les Francs Arbogast et Bauto, les Goths Gaïnas ou Tribigild ou le demi-Vandale Stilicon
atteignent le sommet de la hiérarchie militaire.
La politique de
Stilicon
Cette politique,
parfois qualifiée de « philobarbare »36, est poursuivie par Stilicon devenu régent. En 401, les Vandales et Alains, après
avoir envahi les provinces de Rhétie et de Norique et été vaincu par Stilicon, sont installés en Italie du
Nord et incorporés dans l'armée. En 406, après la victoire sur Radagaise, plusieurs contingents de
vaincus sont intégrés aux légions de l'EmpireNote
17.
La personne même de
Stilicon facilite cette alliance avec les peuples germaniques et en fait un
protecteur naturel des barbares romanisésNote 18. Le généralissime est entouré d’une clientèle barbare, comprenant
les Goths Sarus et Gaïnas et l'Alain Saul ; il confie sa protection à
une garde hunnique.
Ce parti pris
pro-barbare est fondé sur le constat de la gravité de la situation militaire.
Le manque de soldats reste une importante source d'inquiétude et la faiblesse
de l'enrôlement oblige le régent à recourir toujours plus aux troupes auxiliaires ; ainsi
lors des offensives barbares en Italie de 401 et de 406, Stilicon a beaucoup de mal à réunir suffisamment de troupes37 pour combattre les
envahisseurs. Il est contraint de rappeler les soldats des provinces moins
directement menacées, en Gaule et en Bretagne, pour augmenter ses effectifs
et doit engager de nouveaux fédérés, comme le Hun Uldin en 405.
Bien que certains de
ces auxiliaires soient très peu romanisés, leur fidélité ne se dément pas du
temps de la régence de Stilicon. Ce sont des Francs
ripuaires, dotés du statut de Lètes, qui, durant l'hiver 406-407, défendent quasiment seuls
la frontière du RhinNote 19 et résistent courageusement face aux armées barbares. Le
roi des Vandales, Godégisel, est même tué, au cours de la bataille
de Mayence, avant que l'intervention des Alains
de Respendial ne
parvienne à submerger les défenseurs de l'Empire38.
Mais cette fidélité
des troupes barbares s'attache plus à Stilicon lui-même qu'à la cour
d'Occident. Lorsqu'en 408,
les proches du régent sont massacrés à Pavie, les fédérés poussent, en effet,
leur général à se retourner les armes à la main contre Honorius et son
ministre Olympius16.
Le sentiment
anti-barbare des Romains de souche
Ce rôle grandissant
des peuples germaniques dans l'Empire fait naître en contrepartie un
sentiment anti-barbares dans les populations romaines. Ce courant xénophobe
prend une importance croissante à la fin du ive siècle, se
traduisant par de violentes émeutes populaires, comme celle de Thessalonique en 390 contre le gouverneur
Botheric, ou celle de Constantinople en 400, où des milliers de Goths trouvent la mort à la chute de
Gaïnas35. La
littérature témoigne aussi de ce sentiment, ainsi les écrits de Synésios de Cyrène, Discours sur la royauté ou Sur la Providence, qui critiquent
l'influence des barbares à la cour d'Orient. Le philosophe
écrit : « Reprenons des sentiments dignes des Romains ;
accoutumons-nous à ne devoir qu’à nous-mêmes nos triomphes ; plus
d’alliance avec les barbares ! Qu’aucune place ne leur soit laissée dans
l’État ! »39.
Le triomphe du
christianisme nicéen[modifier | modifier le code]
La politique de
Théodose
Durant le règne de
Théodose, la politique impériale est favorable au christianisme contre le
paganisme, et à la doctrine de Nicée contre les « hérésies »
chrétiennes. Le paganisme est
de moins en moins toléré : les sacrifices sont proscrits40, la fréquentation des temples
interdite41, et
finalement même les pratiques religieuses en privé sont frappées d'anathème42.
Les hérésies chrétiennes,
notamment l’arianisme,
sont vigoureusement combattues. Par l’édit de
Thessalonique du 28 février 380,Théodose et Gratien font du symbole de Nicée la doctrine
officielle du christianisme43,Note 20.
Malgré cela, l'arianisme, décrété hérétique dès 325, condamnation réitérée
par le concile de Constantinople, n'en demeure pas moins très répandu en Orient à la mort de
Théodose, tant chez les Romains que chez les Barbares.
Saint Augustin, évêque d'Hippone, obtient l'interdiction du donatisme pour hérésie.
La religion de
Stilicon
En ce qui concerne
Stilicon, il est chrétien, et, contrairement à ce qui est parfois avancéNote 21, probablement nicéen,
compte tenu de ses liens avec Théodose. Par ailleurs, Serena, très hostile au
paganismeNote 22 est
clairement nicéenne.
La politique
religieuse de Stilicon
Le régent et son
prince approfondissent donc les lois contre les pratiquants de l’arianisme.
Ils font également
condamner, à la demande de l'évêque Augustin
d'Hippone, le donatisme comme hérésieNote 23.
Stilicon maintient
les législations contre les païens, mais semble les appliquer avec moins de
zèle que les empereurs d'Orient. Il fait, par exemple, protéger les temples
païens, avec pour argument la volonté ne pas dénaturer les cités romaines44. Il s'entoure, de plus, de
païens notoires, tels son panégyriste, Claudien, et traite avec déférence le
Sénat de Rome, où les anciens cultes sont encore très pratiqués45.
Néanmoins, à partir
des années 404-406, alors que Stilicon est au
faîte de sa puissance, plusieurs lois contraignantes pour les païens sont
prises en Occident, comme l'interdiction de la gladiature46.
Stilicon aurait même
fait brûler les Livres sibyllins, sacrés pour les païens. D'après M. S. Reinach, il y aurait
eu dans ces ouvrages une prophétie remontant à la fondation de Rome, selon
laquelle, Romulus ayant
vu douze vautours s'envoler du mont Palatin, la puissance romaine serait limitée à douze siècles. En
éliminant la prophétie, Stilicon aurait espéré faire oublier à ses
concitoyens que les douze siècles étaient presque écoulés47. Cette destruction s'inscrit de
toute façon dans un plan cohérent de lutte pour le christianisme nicéen, et
donc contre le paganisme.
De fait certains
Romains, notamment les sénateurs de Rome, s'opposent à cette politique, et
les ultimes tenants du paganisme grossissent les rangs des adversaires du
régent. Ainsi, retrouve-t-on dans De Reditu suo de Rutilius Namatianus la condamnation de l'incendie des livres sacrés mise en
parallèle avec le rejet de la politique de barbarisation. Namatianus
écrit : « Le traître ne s'est pas contenté d'attaquer [Rome]
avec les armes des Goths ; il a anéanti, avec les Livres sibyllins,
l'avenir révélé à Rome. […] Que les tourments de l'infernal Néron soient
suspendus ! Une ombre plus coupable doit appeler sur elle les flambeaux
des Furies. Néron n'a frappé qu'une mortelle ; c'est une immortelle qu'a
frappé Stilicon : l'un a tué sa mère, l'autre la mère du monde. »48.
La politique
d'Honorius après la mort de Stilicon[modifier | modifier le code]
Sac
de Rome par Alaric en août 410 vu par Joseph-Noël
Sylvestre.
La mort de Stilicon
signe la victoire des ennemis des barbares. De même qu'en Orient, où, sous
l'égide d'Aurélien puis d'Anthémius, les officiers romains d'ascendance
barbare avaient été chassés ou exécutés, le parti antibarbare se déchaîne à
l'automne 408 en
Occident. Dans les villes d'Italie, les femmes et enfants des soldats
barbares sont agressés et parfois massacrés par les troupes49 sans que le pouvoir
impérial fasse quoi que ce soit pour enrayer la frénésie populaire. Dans le
même temps, les officiers d'origine barbare sont près de trente mille à
quitter Rome et l'Italie pour Alaric et l'Illyrie50.
Dans le même temps,
si les relations d'Honorius avec l'empire d'Orient connaissent une sensible
amélioration, de sorte que le blocus maritime est définitivement levé en décembre 40851, celles avec Alaric
s'avèrent catastrophiques. Le roi des Wisigoths perd son titre de magister militum et exige de
nouvelles compensations financières que les ministres d'Honorius rechignent à
payer52. Ne
souhaitant pas rompre avec l'empereur, si Alaric demande le versement du
subside, il propose un échange d'otage pour garantir la paix. Il demande que
lui soient envoyés Ætius et Jason, fils des deux principaux officiers de l'Empire
en échange de jeunes nobles wisigoths. Encouragé par Olympius, Honorius
refuse ce qu'il prend pour un aveu de faiblesse et se prépare à la guerre.
L'armée n'est pas mise sous le commandement du général goth Sarus53, un homme de Stilicon, et est
confiée à trois officiers moins expérimentés. Privé d'un commandant efficace,
la campagne est un désastre : dès octobre 408, Alaric s'élance pour une
troisième fois en Italie, pille Aquilée, Vérone, Crémone, Concordia et Altinum et parvient en
novembre 408 sous
les murs de Rome. Les cargaisons de blé destinées à nourrir la ville pour
l'hiver, toujours embarquées sur les navires au mouillage à Portus, sont saisies tandis que
Rome est mise au siège52. L'armée d'Honorius, privée de plusieurs de ses officiers
supérieurs les plus compétents, ne parvient pas à arrêter Alaric et l'exploit
de Stilicon n'est pas réitéré.
Le Sénat fait alors
comparaître Serena pour trahison, sur la demande de Galla
Placidia, fille de Théodose. Accusée d'avoir
appelé Alaric en Italie pour venger son mari, elle est étranglée, ce qui ne
change rien aux projets du barbare54. Un accord finit toutefois par être trouvé, et Alaric contre
otages et rançon accepte la levée du siège. Des négociations s'ouvrent, sans
résultats probants. Après un deuxième siège, entrecoupé de négociations,
Alaric encercle une troisième fois la ville. Le 24 août 410, presque deux ans, jour pour
jour, après la mort de Stilicon, la première ville de l'Empire tombe et
est mise à sac par
les Wisigoths.