Attila, né aux alentours de 395Note
1 dans les plaines du Danube et mort en mars 453 dans la région de
la Tisza dans
l'Est de la Hongrie actuelle, fréquemment appelé Attila le Hun, est le souverain
des Huns de
434 jusqu'à sa mort en mars 453. Il est aussi le chef d'un empire tribal composé
de Huns, Ostrogoths, et Alains entre autres, sur le
territoire de l'Europe centrale et orientale.
Pendant son règne,
il est l'un des ennemis les plus redoutés des empires
romains occidental et oriental. Après une tentative infructueuse pour conquérir la Perse, il se tourne vers l'Europe,
traverse le Danube par deux fois, pille les Balkans, détruit la ville de Naissus (Nis) et massacre sa population en 441. Mais il ne peut
prendre Constantinople, dont il obtient cependant rançon. Il tente ensuite de
conquérir la Gaule romaine, franchit le Rhin en 451 et marche jusqu'à Aurelianum (Orléans), pillant au passage Metz et Reims ainsi que la région
de Verdun, avant
d'être vaincu à la bataille des Champs
Catalauniques, près de Châlons-en-Champagne.
Il franchit ensuite
les Alpes, entre
en Italie,
dévastant une partie de la plaine du Pô, dont la ville d'Aquileia, mais doit rebrousser chemin, certainement à la suite du
déclenchement d'une épidémie qui ravage ses troupes. Il projette cependant de
nouvelles campagnes contre les Romains quand il meurt en mars 453. Après sa
mort, son proche conseiller Ardaric des Gépides mène une révolte germanique contre la domination des
Huns, et l'Empire hunnique s'effondre
rapidement.
Sources écrites et
archéologie[modifier | modifier le code]
L'historiographie
d'Attila se heurte à une difficulté majeure : elle ne dispose que de
sources écrites en grec et
en latin par
les ennemis des Huns. Ses contemporains laissent de nombreux témoignages à son
sujet mais il n'en reste que des fragments1.
Priscus est un diplomate et historien de langue grecque. Plus
qu'un témoin, c'est un acteur de l'époque d'Attila. Il est membre de
l'ambassade de l'empereur romain Théodose II à la cour du souverain hunnique en 449. Il est l'auteur de huit
livres d'une Histoire couvrant une période allant de 434 à 452 et dont il ne reste
aujourd'hui que des fragments2. En outre, Jordanès et Procope de Césarée, historiens du vie siècle, le citent dans leurs
œuvres. Bien que Priscus soit évidemment partial de par ses fonctions, son
témoignage est une source primaire majeure et il est le seul à avoir donné
une description physique d'Attila.
Jordanès est un
historien goth ou alain de langue latine
du vie siècle. Il laisse un ouvrage, Histoire des Goths, qui constitue
l'autre grande source concernant l'Empire
hunnique et ses voisins. Sa vision reflète
celle de son peuple et de la postérité d'Attila un siècle après sa
mort. Marcellinus Comes, chancelier de Justinien à la même époque, est une source précieuse concernant
les relations des Huns avec l'Empire romain
d'Orient3.
De nombreuses
sources ecclésiastiques contiennent des informations utiles bien qu'éparses,
parfois difficiles à authentifier et déformées par le temps et les moines copistes du vie siècle
au xviie siècle. Les chroniqueurs hongrois du xiie siècle, considérant les Huns comme des ancêtres glorieux, reprennent
des éléments historiques et les ajoutent à leurs légendes4.
La littérature et la
transmission du savoir des Huns étaient uniquement orales, à travers les épopées et les poèmes chantés qui se
transmettaient de génération en génération5. Très indirectement, cette histoire
orale nous est transmise par les littératures nordiques et germaniques des peuples
voisins couchées par écrit entre le ixe siècle et le xiiie siècle. Attila est le
personnage central de nombreuses épopées médiévales comme la Chanson des Nibelungen, qui est
l'une des plus connues, ou encore d'Eddas et de sagas4,5.
L'archéologie fournit des
détails sur le mode de vie, l'art et les techniques guerrières des Huns. Il
reste quelques traces de batailles ou de sièges mais aujourd'hui encore la
tombe d'Attila et l'emplacement de sa capitale n'ont toujours pas été
localisés6.
Origines ethniques
et familiales[modifier | modifier le code]
Origines d'un nom[modifier | modifier le code]
Le nom sous lequel
Attila est connu aujourd'hui vient des Germains qui l'ont transmis aux
Romains qui l'ont à leur tour transcrit en grec et en latin. Dans sa propre
langue, le hunnique, son nom devait être proche phonétiquement mais
probablement avec un sens différent7. Attila est un diminutif du gotique 𐌰𐍄𐍄𐌰 / atta signifiant « père »8. Pour les Goths, voisins,
vassaux ou esclaves des Huns, Attila est donc le « Petit
père ». Ils reproduisent ainsi dans leur propre langue un son qui a une
autre signification en hunnique. Celle-ci ne peut faire l'objet que
d'hypothèses à partir de racines turques, comme at « cheval » et son dérivé atliğ « cavalier » ou at- « flèche » qui
donne le dérivé atliğ « illustre »9.
Enfance mal connue
dans un empire jeune[modifier | modifier le code]
Le monde méditerranéen en 450.
La date de naissance
d'Attila n'est pas connue, le journaliste et romancier Éric Deschodt et
l'écrivain Hermann Schreiber avancent la date de 39510,11,
mais l'historien Iaroslav Lebedynsky et l'archéologue Katalin Escher s'accordent pour
qualifier cette hypothèse « de pure fantaisie » et
préfèrent l'estimer entre la dernière décennie du ive siècle et la première
du ve siècle12.
Il est le fils
de Moundzouk13. Ce
dernier est le frère des rois Octar et Ruga, qui ont régné conjointement sur les Huns. La diarchie est récurrente chez
ce peuple sans que les historiens sachent si c'était coutumier,
institutionnel ou occasionnel14. Sa famille est donc de lignage noble mais les historiens ne
savent pas si elle constitue une dynastie royale. Même s'ils sont en voie de sédentarisation depuis leur
arrivée en Europe, les Huns forment une société de « pasteurs
guerriers »15 se
nourrissant essentiellement de viande et de lait, produits de leurs élevages
de bétail et de chevaux. Attila reçoit donc une éducation de cavalier et d'archer16. Comme d'autres enfants
de son peuple, sa tête est très tôt enserrée par des bandages de façon à
obtenir une déformation volontaire du crâne, pratique esthétique ou spirituelle17,18.
Il parle sa langue maternelle, le hunnique, apparenté à une langue turque, mais comme il fait
partie de la classe dirigeante, il apprend aussi le langage des Goths17.
Il grandit dans un
monde en mutation dans lequel les Huns, son peuple, sont des nomades
installés depuis peu en Europe19. Après avoir traversé la Volga dans les années 370 et annexé le territoire des Alains, ils s'attaquent aux royaumes goths jusqu'aux Carpates et aux rives
du Danube. Ils
sont très mobiles, leurs archers à cheval ont acquis une réputation d'invincibilité et les peuples
germaniques semblent impuissants face à ces nouvelles tactiques20. De vastes mouvements de
population perturbent le monde romain installé à l'ouest et au sud et dont
les frontières sont délimitées par le Rhin et le Danube. En 376, les Goths passent le Danube, se soumettent aux taxes
romaines dans un premier temps, puis se rebellent contre l'empereur Valens qu'ils tuent lors de
la bataille d'Andrinople en 37821. Le 31 décembre 406, pour fuir les Huns, les Vandales, des Alains, des Suèves et des Burgondes franchissent le Rhin gelé et pénètrent en Gaule romaine22. En 418, les Wisigoths obtiennent un
territoire en Aquitaine seconde avec un statut théorique de « fédérés » romains mais
restent, dans les faits, insoumis voire hostiles. En 429, les Vandales fondent un royaume indépendant en
Afrique du Nord. Pour mieux faire face à ces invasions, l'Empire romain est
géré depuis 395 par
deux gouvernements administratifs et militaires distincts, l'un à Ravenne dirige l'Ouest,
l'autre à Constantinople s'occupe de l'Est. Du vivant d'Attila, malgré quelques
querelles de pouvoir, l'Empire romain reste uni et dirigé par la même
famille, les Théodosiens23.
Les Huns dominent un
vaste territoire aux frontières floues déterminées par l'assujettissement
d'une constellation de peuples plus ou moins autonomes. Certains sont
assimilés, beaucoup conservent leurs rois, d'autres sont tributaires ou reconnaissent
la suzeraineté théorique
du roi des Huns mais restent indépendants24. Bien que les Huns soient indirectement la source des
problèmes des Romains, les rapports entre les deux empires sont
cordiaux : les seconds utilisent les premiers comme mercenaires contre les Germains et même dans leurs
guerres civiles. Ainsi l'usurpateur romain Jean en recrute des milliers en 425Note 2. Ils échangent des ambassades et des otages
(comme Ætius qui devient ami du jeune Attila aux alentours de 411-414). Cette alliance dure de 401 à 450 et permet aux Romains de remporter de nombreux succès
militaires25. Les
Huns considèrent que les Romains leur versent des tributs tandis que ceux-ci
préfèrent considérer qu'ils leur octroient des subsides contre des services
rendus. Lorsque Attila devient adulte sous le règne de son oncle Ruga, les Huns sont devenus une
grande puissance au point que l'ancien patriarche de Constantinople Nestorius en vient à déplorer
la situation par ces termes : « Ils sont devenus les maîtres
et les Romains les esclaves »26.
Succession trouble[modifier | modifier le code]
En 434, Ruga meurt et ses
neveux Bleda et
Attila deviennent rois. La succession n'est peut-être pas évidente car des
Huns s'enfuient à Constantinople dont deux membres de la famille royale Mamas
et Atakam, peut-être d'autres neveux ou même les fils de Ruga26. L'historien hongrois
contemporain István Bóna estime probable que le père de Bleda et d'Attila,
Moundzouk, a régné avant Ruga27 mais aucune source ne l'atteste12.
De 435 à 440, le règne de Bleda est
marqué par le triomphe des Huns face à l'Empire
romain d'Orient. Ce triomphe est avant tout
diplomatique. Le traité de Margus, ville située non loin du limes, prévoit un doublement du tribut annuel versé par
Constantinople, soit 700 livres d'orNote 3, la promesse de ne plus accueillir d'opposants en exil, de ne
pas chercher à retourner les alliés des Huns contre eux et l'ouverture d'un
marché frontalier28.
Durant cette période, les Huns étendent leur empire jusqu'aux Alpes, au Rhin et à la Vistule29.
Pourtant, dès 440, lors de l'invasion de l'Arménie romaine par les Perses sassanides, qui détourne
momentanément l'attention de Constantinople des Huns, Bleda attaque l'Empire
romain d'Orient. À ce moment, Attila, ayant entamé de son côté des
pourparlers avec un représentant de Constantinople, n'aide son frère qu'en
dernier recours au moment du siège de
Sirmium (en), en 441. Il ne le fait sans doute que pour éviter d'être lésé sur le
partage du butin. La politique séparée d'Attila, lors de la guerre de
441-442, s'explique peut-être aussi par sa volonté de négocier avec les
Romains la remise des princes héritiers hunniques réfugiés dans l'Empire à la
mort de Ruga et
qui auraient pu prétendre à la succession en cas de décès de son frère30.
Attila, seul roi des
Huns[modifier | modifier le code]
Entre la fin 444 et le début 445, Attila attire Bleda dans un
piège et l'assassine, sans que l'on sache de quelle façon, l'événement étant
signalé par ses contemporains, mais non commenté31. Le roi des Skires, Edecon, et le roi des Gépides, Ardaric, participent avec leurs forces auxiliaires à la prise de
pouvoir. Attila a aussi à la cour le soutien des partisans de la guerre comme
les deux frères Onégèse et Scottas, des Barbares hellénisés de la région du Pont ou encore Elsa, le lieutenant de Ruga, et Eskam, grand propriétaire
dans les plaines méridionales. Parmi les ralliés, il y a aussi des Romains,
comme le Pannonien Constantiolus et l’affranchi
de Mésie Primus
Rusticus, qui se partagent le secrétariat d’Attila. Un certain Berichus,
d’origine inconnue, l’oncle d’Attila Aïbars et Laudarik, certainement roi
d’un peuple germanique allié, sont placés aux plus hauts rangs. Le reste des
fidèles de Bleda périt en fuyant, comme un dignitaire qui enterre à Szikánes
un trésor de 1 440 pièces d’orNote 4 provenant sans doute du traité de 44332.
Attila devient donc
le seul roi des Huns.
Portrait d'un
souverain[modifier | modifier le code]
« Sa taille était courte,
sa poitrine large, sa tête très grosse. De petits yeux, la barbe clairsemée,
les cheveux grisonnants, le nez aplati, le teint mat, il reproduisait ainsi
les caractéristiques de son origine. »
Cette description
permet de se faire une image assez précise d'Attila, aucune image de son
visage n'ayant été retrouvée. Les représentations, peintures, gravures et
monnaies datant du Moyen Âge et de la Renaissance sont fantaisistes33.
Certains chercheurs
ont suggéré que cette description est typiquement est-asiatique, car elle a
toutes les caractéristiques combinées qui correspondent au type physique des
gens de l'Asie de l'Est, et les ancêtres d'Attila peuvent provenir de là34,35. D'autres historiens croyaient aussi que les mêmes
descriptions étaient également évidentes chez certains Scythes36,37.
L'ambassadeur romain
Priscus est surpris de son apparence simple, sans bijoux ni vêtements de
luxe; il mange dans de la vaisselle de bois alors que ses invités sont servis
dans de la vaisselle d'or38.
Cette simplicité est aux antipodes du cérémonial à la cour de Rome ou de
Constantinople où l'empereur vit dans un luxe ostentatoire et fait l'objet
d'une vénération.
Cette austérité dans l'apparence est calculée de façon à impressionner ses
visiteurs par un effet de contraste18.
Épouses et enfants[modifier | modifier le code]
Attila dispose de
nombreuses épouses et utilise les mariages pour nouer des alliances
dynastiques et diplomatiques39.
La plus importante est Êrekan, que Jordanès nomme Kreka, mère d'Ellac, son fils aîné et successeur désigné, et de deux autres fils40. Elle dispose d'une suite
nombreuse, son statut particulier lui confère un rôle protocolaire et elle
reçoit les ambassadeurs byzantins41. La plus connue est Ildico, la femme auprès de qui Attila meurt lors de sa nuit de noces39. La transcription de ces deux
noms étant incertaine, les historiens ne savent pas s'il s'agissait de femmes
hunniques ou germaines. Les épouses sont relativement libres, disposent d'une
indépendance matérielle et de leurs propres résidences40. Honoria, sœur de l'empereur Valentinien III, lui aurait
proposé de l'épouser, mais, lorsqu'Attila fait valoir cette proposition, il
est poliment éconduit. Attila aurait eu de nombreux autres fils mais seuls
trois sont connus avec certitude: Ellac, Dengitzic et Ernakh, son préféré d'après Priscus38. Hormidac, un chef hun qui attaqua l'Empire romain en 466/467, n'est connu que par Sidoine
Apollinaire qui le présente comme un fils
d'Attila42,43.
Une fois adulte, le
fils aîné Ellac participe à la gestion de l'Empire aux côtés de son père qui
lui confie la charge de la partie orientale39. Lorsque des banquets officiels sont organisés, ses fils y
participent, Ellac devant « fixer ses yeux sur le sol par respect
pour son père »38.
Organisation du
pouvoir[modifier | modifier le code]
À l'inverse des
empereurs romains et donc à l'étonnement de leurs ambassadeurs, Attila vit au
milieu de son peuple et en partage les mœurs45. Les Huns sont des éleveurs nomades mais il semble que sous
son règne commence une certaine sédentarisation, en particulier avec la construction d'une capitale dont
l'emplacement exact est inconnu mais qui est situé entre les rivières Tisza et Timiș. Elle est constituée de
nombreuses maisons de bois dont certaines sont pourvues de thermes à la romaine. Également en
bois, le vaste palais royal orné de portiques fastueux impressionne les
ambassadeurs romains en 449. Attila dispose de plusieurs autres résidences de taille plus
modeste, relais de son pouvoir à travers son vaste territoire45.
Pour régner sur une
confédération de peuples nomades et sédentaires très différents, il ne
dispose pas d'une administration organisée, sa puissance repose sur des
élites dominant une structure souple de fidélités variées46. Le premier cercle dirigeant appartient à une souche
princière hunnique mais nombre de personnages importants sont d'une ethnie
différente. Son bras droit Onégèse est un Hun, son secrétaire Flavius Oreste est un Romain
de Pannonie, les
peuples soumis ou alliés aux Huns conservent souvent leurs propres rois
comme Edecon,
roi des Skires, Ardaric, roi des Gépides, Candac, roi des Alains, et Valamir, roi des Ostrogoths. Ces derniers sont
engagés dans un rapport de pouvoir personnel avec Attila, ils lui doivent
leurs places et l'ont soutenu lors de son putsch contre Bleda. Ils lui sont
donc fidèles mais cette relation peut être fragilisée par la disparition du
souverain46.
Les croyances ont
une place importante dans le monde des Huns mais la religion d'Attila est mal
connue48. Beaucoup de ses
sujets germains sont des chrétiens ariens mais il semble que les Huns et Attila pratiquent une
religion traditionnelle polythéiste et animiste avec des chamans d'une grande importance sociale. Ces chamans pratiquent
la divination par scapulomancie, pratique typique des éleveurs nomades turco-mongols. Les devins ont joué un grand rôle
dans la vie d'Attila, dans sa vie de famille en lui prédisant sur lequel de
ses fils il pouvait compter et dans les batailles en influant sur ses
décisions49.
Chaudron
hunnique
Concernant ses
convictions et cultes, les historiens actuels divergent sur plusieurs points
importants : Michel Rouche pense qu'Attila se voyait comme un dieu lui-même50. Rouche déduit des grands
chaudrons hunniques de bronze retrouvés par les archéologues qu'Attila
pratiquait un « cannibalisme sacré » en faisant des sacrifices humains et en
buvant du sang humain51. Edina Bozoky rejette
totalement les affirmations de Rouche sur des pratiques pour lesquelles il
n'existe selon elle aucun témoignage ni aucune trace matérielle et qui
reposent sur des comparaisons anachroniques avec d'autres peuples52. Quant à l'idée que le roi des
Huns ait pu prétendre être un dieu, Katalin Escher et Iaroslav Lebedynsky pensent
au contraire qu'il croyait à son destin
providentiel et à son charisme surnaturel
comme « tant d'autres chefs militaires »53.
Il est en revanche
certain qu'il utilise aussi cette religion à des fins de politique
intérieure. Ainsi au cours de son règne, Attila affirme avoir reçu une épée
sacrée du dieu de la guerre, légitimation suprême et présage fédérateur
précieux pour un règne qui met son peuple en état de guerre permanent54,49.
Guerre et diplomatie[modifier | modifier le code]
L'action d'Attila
est essentiellement connue par ses relations avec les autres peuples et avec
l'Empire romain en particulier.
Stratégie du tribut[modifier | modifier le code]
Selon
l'historien Otto John Maenchen-Helfen, les Huns vivent en pasteurs guerriers de l'élevage de
chevaux et de moutons puis quand ils deviennent « les maîtres de
populations paysannes, comme les Germains et les Sarmates, ils trouvent plus simple
et agréable de les rançonner que de travailler eux-mêmes »55. Ainsi, l'historien Michel
Rouche les qualifie de « société de prédateurs »56. Pour maintenir leur niveau de
vie mais aussi la fidélité de leurs alliés, les Huns de plus en plus
puissants commencent à exiger des tributs de leurs riches voisins romains et
perses. S'ils ne paient pas, ils lancent des razzias qui rapportent autant si ce n'est plus de butin.
Galvanisés par leurs succès, les aristocrates hunniques deviennent de plus en
plus avides. Pour légitimer son pouvoir et accroître sa richesse, Attila doit
donc impérativement maintenir les États voisins sous pression. Ainsi il
saisit tous les prétextes pour accroître ses intimidations, sommations et
revendications57.
Offensive contre
Constantinople[modifier | modifier le code]
Le 27 janvier 447, un tremblement de terre
détruit une grande partie de la muraille
théodosienne de Constantinople dont
cinquante-sept tours s'effondrent, et dévaste de nombreuses villes et
villages de la province de Thrace58. La destruction des silos entraîne une famine importante.
Attila profite de l'occasion pour mobiliser toutes ses troupes : il
franchit le limes et
pénètre en Dacie aurélienne. Les troupes romaines stationnées à Marcianopolis tentent de lui
couper la route mais sont écrasées à la bataille
de l'Utus, leur général Arnegiscle est tué.
Les Huns pillent
ensuite les provinces de Mésie, de Macédoine et de Thrace59. L'empereur d'Orient, Théodose
II, se concentre sur la défense de sa capitale
mais Attila n'attaque pas Constantinople et se retire avec un immense butin60.
D'âpres négociations
de paix commencent, Attila est en position de force et place haut ses
exigences : en plus d'une augmentation du tribut, il réclame la cession
d'une zone de cinq jours de marche située au sud du Danube. Déplacer ainsi la
frontière, en plus de la valeur symbolique, donnerait un avantage tactique
aux Huns60. En 449, Théodose met au point un
plan : il envoie une ambassadeNote 5 officiellement pour finaliser le traité de paix mais
avec l'objectif secret d'organiser l'assassinat d'Attila. Cinquante livres
d'or sont versées à Edecon mais celui-ci dévoile le plan au roi qui met fin au
complot pour la plus grande humiliation des Romains61.
Malgré cet échec,
Théodose a l'habileté de faire traîner les négociations tout en renforçant
ses troupes pour rééquilibrer le rapport de force. En 450, le traité de paix prévoit un
retour à la situation territoriale d'avant 447 et la restitution des
prisonniers romains en échange du paiement d'un tribut dont le montant n'est
pas connu62. C'est un
succès diplomatique relatif pour Théodose mais il irrite les militaires
romains exaspérés par l'arrogance d'Attila dont les ambassadeurs leur parlent
désormais comme à des sujets63.
Mais le 28 juillet 450, l'empereur Théodose II meurt dans un
accident de cheval et le « parti des
bleus » ou parti des sénateurs et des
aristocrates, triomphe avec l’avènement de Marcien, au tempérament belliqueux et farouchement opposé à l'idée
d'acheter la paix avec les Barbares. Le ministre de Théodose, Chrysaphios, est exécuté.
Instigateur de la tentative d'assassinat, cela ne peut que plaire à Attila.
Malgré sa victoire initiale, Attila laisse Constantinople se relever car il
est désormais occupé par l'empire d'Occident64.
Casus
belli en Occident[modifier | modifier le code]
Selon des auteurs du xviiie siècle, cette miniature dépeint
le futur empereur romain Valentinien III et sa sœur Honoria, avec leur mère en arrière. Des études plus récentes,
au xxe siècle, rejettent cette affirmation65.
Le roi des Huns
s'oppose de plus en plus à l'Empire romain d'Occident. En 448, Attila accepte de recevoir à sa cour le chef d'une bagaude en fuite qui veut le
pousser à la guerre en Gaule66. En 449, il s'oppose à Rome dans une querelle de succession chez
les Francs.
Enfin en 450, Honoria fait directement appel à lui. Honoria, sœur de
l'empereur Valentinien III, est « Augusta » et donc officiellement porteuse d'une partie du
pouvoir impérial. Son frère cadet Valentinien III décide de l'en écarter et
de la marier contre sa volonté à un vieux sénateur. Pour se venger, Honoria
envoie son anneau sigillaire à Attila en lui demandant son aide et en lui promettant
le mariage. C'est pour lui une occasion rêvée pour légitimer une intervention
en Occident avec de grandes ambitions. Les historiens ne savent pas si c'est
un coup de bluff ou une visée réelle mais il réclame, en plus de la main
d'Honoria, que la Gaule lui soit remise en dot67,68.
Valentinien refuse toute négociation, Marcien l'encourage à rester ferme et
lui promet son aide69.
Attila lance alors des préparatifs militaires et cherche à s'allier aux Vandales et aux Wisigoths.
Ces derniers refusent car ils craignent trop sa politique expansionniste70.
Échec de l'invasion
de la Gaule[modifier | modifier le code]
Itinéraires et pillages supposés des Huns en Gaule.
Attila se lance au
printemps 451 dans
une campagne contre la Gaule à la tête d'une armée réunissant les Huns et leurs
vassaux germaniques, Gépides, Ostrogoths, Skires, Suèves, Alamans, Hérules, Thuringiens, Francs ripuaires (les Francs saliens étant alliés aux Romains), Alains et Sarmates. Les effectifs sont
impossibles à évaluer mais il est certain qu'ils sont très nombreux au regard
des critères de l'époque et que l'armée se déplace lentement71. La Gaule est alors secouée par
des révoltes, Attila espère également que le fœdus unissant les Romains et les Wisigoths ne sera pas
respecté et qu'il pourra affronter ses ennemis séparément ou convaincre l'un
des deux de se rallier à lui71. Attila se présente devant Divodurum
Mediomatricorum, l'actuelle Metz, qui refuse de se rendre.
Le 7 avril 451, alors qu'il désespère de s'en
emparer, la muraille sud de la ville s'effondre. Les Huns, exaspérés par un
long siège, massacrent la population72.
Une anecdote hagiographique restée dans
les mémoires chrétiennes concerne sainte
Geneviève qui par ses prières aurait fait
épargner Paris par Attila73. Ce dernier marche directement sur Orléans mais celle-ci résiste
et Attila doit l'assiéger plusieurs semaines74. Ce siège donne le temps aux Romains commandés par le patrice Ætius et aux Wisigoths du
roi Théodoric de
rassembler les forces nécessaires à un affrontement75. Attila lève le siège et affronte Ætius à la bataille des champs Catalauniques aux
environs de Troyes.
L'affrontement fait de nombreux morts, dont Théodoric ; Attila échappe
de peu à ses ennemis. La victoire est du côté des Romains mais les Wisigoths
se repliant sur Toulouse pour régler la succession de Théodoric entre ses fils,
Attila peut retirer ses troupes sans être poursuivi. Il passe alors par
Troyes où, à la manière de sainte Geneviève à Paris, l'intercession de saint Loup de Troyes (évêque
de la cité) lui fait épargner la ville. Malgré quelques succès mineurs, cette
campagne est un échec, Attila n'a pu trouver aucun allié sur place et, une
fois unis, ses adversaires sont les plus forts76. Ses pertes sont élevées et, dans sa retraite, il abandonne
une partie du butin qu'il a amassé77. Pour maintenir son autorité à l'intérieur et son prestige à
l'extérieur, Attila doit agir, c'est pourquoi il organise une autre campagne
dès l'année suivante78.
Rencontre d'Attila avec le pape Léon le Grand par Raphaël - Palais du Vatican
Au printemps 452, Attila passe les Alpes et prend Aquilée après un long siège
puis avec moins de difficulté s'empare de Padoue, Vérone, Milan et Pavie78. La situation semble désespérée pour Rome et Valentinien III
décide de négocier. Le 11 juin 452 il envoie une délégation composée du pape Léon Ier, d'un ancien consul et d'un
ancien préfet du prétoire78. Attila accepte un traité car son armée est victime
d'une épidémie et
surtout son empire est attaqué à l'est par les troupes de Marcien décidé à porter
secours à Rome79.
Attila se retire victorieux avec un butin immense. Bien que son armée soit un
peu affaiblie, il menace les ambassadeurs de revenir l'année suivante si
Honoria et sa dot ne lui sont pas remises. Cependant, comme en 451, Attila
doit céder devant ses adversaires unis et les deux gouvernements romains
solidaires79.
Mort et successions[modifier | modifier le code]
Mort d'Attila par Ferenc Paczka
Début 453, Attila meurt de façon
soudaine et inattendue dans son sommeil, étouffé par un saignement de nez durant
la nuit de noces avec
la Germaine Ildico,
qui est retrouvée au matin, prostrée près du cadavre. Certaines chroniques
byzantines rapportent qu'il aurait été assassiné, l'historien Michael Babcock
trouve cette hypothèse crédible et avance que Marcien aurait pu organiser une machination comme Théodose II avant lui l'avait
essayé80 ;
cependant les historiens Michel Rouche, Edina Bozoky, Katalin Escher et Iaroslav
Lebedynsky n'y croient guère et, pour ces
derniers, « on ne peut ni balayer cette idée d'assassinat, compte
tenu de l'ancienneté des soupçons, ni prouver quoi que ce soit »81.
Il est enterré
secrètement dans un triple cercueil d'or, d'argent et de fer82 et les esclaves qui
creusent sa tombe sont égorgés afin qu'elle ne soit jamais découverte et
profanée62. Son
emplacement est encore inconnu au xxie siècle83.
Sa succession
dégénère en conflit entre ses fils, dont les principaux sont Ellac, Dengitzic et Ernakh. Ancien allié d'Attila, le
roi Ardaric et
ses Gépides soulèvent
les peuples fédérés et vainquent les Huns à la bataille de la Nedao au cours
de laquelle Ellac trouve la mort, entraînant la dislocation de l'Empire
hunnique46. Les
tribus hunniques se désunissent et reprennent pour chefs des membres de leurs
aristocraties, tandis que les différents peuples fédérés par Attila se
dispersent. Dengitzic tente une dernière incursion au sud du Danube en 469 et une chronique
byzantine, la Chronicon Paschale, nous rapporte sa fin : « Dengitzic, fils
d'Attila, fut tué en Thrace. Sa tête fut apportée à Constantinople, promenée
en procession et plantée sur un pieu au Cirque de Bois. Toute la ville vint
la voir ». Avec sa mort disparaît toute possibilité de restaurer
l'Empire hunnique84.
Si son empire ne lui
a pas survécu plus de deux années, les proches non hunniques d'Attila
continuent à jouer un grand rôle dans la géopolitique du ve siècle
et dans les événements qui accompagnent la disparition de l'Empire romain
d'Occident : Flavius Oreste place sur le trône le dernier empereur romain Romulus Augustule et Edecon est le père d'Odoacre qui le dépose
en 476, mettant
ainsi fin à l'empire d'Occident46.
Image d'Attila
du ve siècle jusqu'à aujourd'hui[modifier | modifier le code]
Traditions
divergentes[modifier | modifier le code]
Vision
occidentale : « fléau de Dieu »[modifier | modifier le code]
Attila est surtout
connu dans l'historiographie et dans la tradition chrétienne occidentale pour
avoir été le « fléau de Dieu ». Cette expression a été forgée
par saint Augustin pour
désigner Alaric en 410, mais dès le vie siècle Grégoire de Tours pense déjà
que les Huns sont un instrument divin85. Au siècle suivant Isidore
de Séville précise
l'idée : « Les Huns sont le bâton de la fureur de Dieu. Chaque
fois que la colère de Dieu s'abat sur les fidèles, c'est par eux qu'ils sont
frappés »86.
L'expression n'apparaît qu'au viie siècle dans une
hagiographie de saint Loup où Attila se présente comme étant le « fléau
de Dieu » ; bien que « fléau » soit resté dans
les mémoires, « fouet » traduit mieux le terme original
de flagellum87. Les chroniqueurs et hagiographes chrétiens poursuivent cette
tradition et en font un véritable « antihéros »88. Les hagiographies lui prêtent de nombreux crimes et martyres
imaginaires comme saint Nicaise à Reims, saint Memorius à Saint-Mesmin et de nombreux autres88. À partir de ces chroniques se développent de nouvelles
légendes mettant en scène des évêques protégeant leurs cités d'Attila :
Jean à Ravenne, Géminien à Modène, Alpin à Châlons, Auctor à Metz, etc.89. Sainte Ursule et les onze
mille vierges mortes en martyre à Cologne constituent l'invention hagiographique la plus
impressionnante, couchée par écrit au xe siècle,
elle reste populaire durant tout le Moyen Âge90. Certains récits vont même identifier les Juifs aux Huns91.
Personnage
romanesque en Italie[modifier | modifier le code]
En Italie, à partir
du xive siècle, Attila devient un héros littéraire92. Des épopées en vers ou en prose narrent ses aventures chevaleresques
et lui prêtent une naissance extraordinaire : il serait le fils d'une
princesse et d'un lévrier. Dans ces récits, par sa nature semi-bestiale et ses
mauvaises actions, il est encore représenté comme l'ennemi du christianisme.
L'un des plus populaires, l'Estoire d'Atile, est copié puis imprimé à Venise à travers les siècles ; la dernière édition
daterait de 186293.
Héros germanique et
scandinave[modifier | modifier le code]
Attila n'a pas
laissé une image aussi négative dans les territoires non romains. La Chanson de Walther, chanson de geste en hexamètres latins, attribuée
au moine Ekkehard Ier de Saint-Gall, vers 930, dépeint Attila comme un roi
puissant et généreux94.
La Chanson des Nibelungen, Nibelungenlied en allemand, une épopée médiévale allemande composée au xiiie siècle, le présente, sous le
nom de Etzel, sous un jour positif malgré son paganisme95.
Dans les sagas islandaises écrites au xiie siècle, Attila et les Huns
sont mis en scène dans des guerres épiques les opposant aux Burgondes, aux
Goths ou aux Danois comme dans la Brevis
historia regum Dacie de Saxo Grammaticus96. L’Edda poétique est un recueil
de chants scandinaves, les racines des plus anciens remontent au ve siècle. Le personnage du
roi « Atli » est « issu de l'Attila
historique »97.
Les poèmes de l'Edda mettant
en scène Attila sont Atlamál (Les Dits groenlandais
d'Atli), Guðrúnarkviða
II (Le Second
chant de Gudrún), Sigurðarkviða
hin skamma (Le
Chant bref de Sigurd), Guðrúnarhvöt (L’exhortation de Gudrún), Atlakviða (Le Chant d'Atli). Ces chants sont
repris en prose au xiiie siècle
par Snorri Sturluson, le plus grand écrivain scandinave médiéval98.
Dans ces
légendes, Gudrún pour
les Nordiques ou Kriemhild pour les Germaniques, sœur du roi des Burgondes,
constitue un des principaux personnages, elle serait issue de l'Ildico
historique. La mort tragique d'Attila, les soupçons d'assassinat et de
l'implication de sa jeune épouse auraient donné lieu à une tradition
littéraire dans laquelle le motif de la vengeance féminine tient une place
majeure99. Dans ces
mythes, Attila est représenté de façon assez « sympathique »,
il est tolérant, loyal, généreux et chevaleresque. Ses démêlés tragiques sont
dus à sa naïveté et à ses difficultés à comprendre les autres peuples95.
Roi mythique
hongrois[modifier | modifier le code]
Fête d'Attila, huile sur toile, par le peintre hongrois
Mór Than (1870).
Lorsqu'au xe siècle les Hongrois, nomades venus de l'Est,
s'installent dans les Carpates et commencent à mener des razzias en Europe, les
chrétiens les identifient immédiatement aux Huns100. Quand ils se convertissent et commencent à écrire leur
propre histoire, ils adoptent cette idée, revendiquent la filiation avec
Attila et le transforment en héros positif. Il devient ainsi l'ancêtre de la
dynastie Árpád dans
la Gesta Hungarorum rédigée vers 1210101.
Dans ces mythes
fondateurs, Attila est glorifié, ses vertus morales et guerrières exaltées102. À la Renaissance, la Chronica Hungarorum utilise
encore la figure du roi des Huns pour accroître le prestige et la légitimité
de la monarchie hongroise alors à son apogée, Matthias Ier de Hongrie est célébré
comme un « second Attila »103. L'origine hunnique des Hongrois et la figure d'Attila est
encore un thème récurrent de la littérature hongroise du xvie au xixe siècle. En 1857, le compositeur et pianiste virtuose Franz Liszt compose un poème symphonique sur
la bataille des champs Catalauniques. Le développement du nationalisme hongrois garde Attila comme
une référence majeure de l'identité nationale, la disparition de son brillant empire est mise en parallèle
avec le destin des Hongrois sous domination autrichienne et ottomane. Au xixe siècle,
l'historienne Edina Bozoky recense une vingtaine de drames, neufs poèmes et
trois romans hongrois utilisant Attila, notamment deux œuvres de grands
auteurs que sont l'écrivain Mór Jókai et le poète János
Arany104. Plus de quinze œuvres à ce sujet sont
encore écrites au xxe siècle. Le prénom Attila reste
populaire tout au long du siècle105 comme en témoignent Attila
József, Attila
Csihar, Attila
Zsivóczky ou Attila
Horváth.
« Huns ! Je lève haut
l'épée de Dieu, qu'elle propage jusqu'à la fin du monde, l'empire, le nom, la
gloire de notre peuple ! »
Le mythe d'Attila
est aussi très utilisé dans la politique hongroise, particulièrement par l'extrême droite dans les années 1930. Certains développent
un néopaganisme prétendant
retourner aux sources hunniques et construisent une tour à la mémoire
d'Attila, d'Árpád et
de Koppány106.
Ces groupes connaissent une résurgence avec la Troisième République hongroise :
une « Sainte Église des Huns » est fondée en 1997 et
une « Alliance hunnique » en 2002. En 2010, une statue équestre d'Attila
est inaugurée à Budapest par le ministre de la Défense Csaba Hende. À cette occasion, des
arbres sont plantés aux frontières historiques de la Hongrie, officiellement
pour qu'ils prennent racine auprès d'Attila106.
Bien qu'au siècle
précédent Voltaire et Montesquieu aient dépeint un
Attila contrasté et pourvu de grandes qualités107, au xixe siècle Attila devient
une métaphore du tyran et les Huns des ennemis barbares et brutaux. Benjamin Constant en 1815
et Victor Hugo en
1824 comparent Napoléon à Attila108. Les Français et dans une moindre mesure les Anglais et les
Américains comparent les Allemands aux Huns, Victor Hugo compare cette
fois Guillaume Ier à
Attila en 1871. Lors de la Première Guerre
mondiale, Guillaume
II est encore comparé à Attila, la bataille de la Marne devenant
une répétition des champs Catalauniques. En 1914, Rudyard Kipling lance un
appel à la guerre contre les Huns. Les affiches canadiennes et américaines
comparent la destruction de la Belgique par l'Allemagne aux ravages d'Attila, la propagande
proclame « Beat the Hun », que l'on peut traduire par « Écrasons le
Hun »108.
Les anecdotes
historiques et morales d'Attila sont propagées par
l'école : « amené par sa monture favorite, Balamer, guidée par
le vent jusqu'à l'épée de Tengri, Attila s'exclame : « Là où passe mon cheval,
l'herbe ne repousse pas. » » Cette phrase a longtemps été un
lieu commun de l'enseignement primaire en France109,110.
Paradoxalement, les
Allemands reprennent parfois à leur compte la métaphore, lors de la révolte des Boxers, Guillaume II
galvanise ses troupes en les incitant à suivre le modèle d'Attila, il
déclare : « Pas de pitié ! Pas de prisonniers ! Il y
a mille ans les Huns du roi Attila se sont fait un nom qui retentit
formidablement aujourd'hui encore dans les mémoires et les contes ; que
le nom des Allemands acquière en Chine la même réputation, pour que plus
jamais un Chinois n'ose regarder un Allemand de travers »111. À la façon des Hongrois,
au xxe siècle, les nationalistes et les touranistes turcs récupèrent
également la figure d'Attila, libérateur des nations opprimées par les rois
étrangers et la religion, précurseur de la Turquie moderne et laïque112.
Plus récemment, en
2011, le général serbe Ratko Mladić est surnommé Attila aussi bien dans son propre pays qu'à
l'étranger113.
Des pamphlétaires utilisent
encore la figure négative d'Attila, comme Sandy Franks et Sara Nunnally qui
le comparent avec Wall Street114.
Sculpture, vitraux,
peintures et gravures[modifier | modifier le code]
Le Martyre de sainte Ursule, huile sur toile de Le Caravage (1610).
L'art chrétien a
beaucoup représenté Attila, enluminures des ouvrages hagiographiques comme celles de La Légende dorée de Jacques de Voragine,
statues, retables et
vitraux des églises. Attila y est souvent un personnage secondaire visant à
valoriser les saints, comme Alpin, Loup, Geneviève, Ursule et les vierges de
Cologne. L'une des peintures les plus renommées est Le Martyre de sainte Ursule réalisée
par Le Caravage en
1610, Attila y est représenté avec un air sombre et un arc à la main tandis
qu'une flèche transperce la poitrine de la martyre116. Les peintres, sculpteurs et graveurs hongrois de la Renaissance et de l'âge baroque en réalisent des
portraits en majesté dans l'art officiel117.
Théâtre[modifier | modifier le code]
Attila est une des dernières tragédies de Corneille, en 1667. Drame amoureux dans lequel Attila doit choisir
entre Honorie l'impératrice et Ildione la sœur du roi de France, Corneille
considère que c'est sa meilleure pièce de théâtre mais elle ne remportera pas
un grand succès118.
Pour Nicolas Boileau en revanche, Attila signe le déclin du génie de
Corneille, résumé par son exclamation désolée : « J'ai vu
Agésilas, hélas ! Mais après l'Attila, holà ! » En
montrant un Attila rongé par ses ambitions de conquêtes glorieuses et aux
prises avec des amours tumultueuses, Corneille parle de la France du jeune et
ambitieux Louis XIV des années 1660119.
Musique et opéra[modifier | modifier le code]
Attila est très
utilisé dans l'opéra. Dès 1672, Pietro Andrea Ziani compose un Attila sur un livret de Matteo
Noris. En 1807 à Hambourg, en 1818 à Palerme, en 1827 à Parme et en 1845 à Venise des opéras intitulés Attila sont représentés avec des succès divers. Le plus connu
reste celui de Giuseppe Verdi en 1846. Zacharias Werner, écrivain autrichien, écrit Attila,
König der Hunnen (Attila,
roi des Huns) sur les dernières années de sa vie
et la fait publier en 1807. Il met en scène la campagne d'Italie et le
pillage d'Aquilée, Attila y est dépeint comme une métaphore de Napoléon.
Celui-ci ordonne d'ailleurs de détruire toutes les copies de l'ouvrage en
1810120. Cette œuvre
est à l'origine de l'opéra de Verdi, Attila, sur un livret de Temistocle
Solera en 1846.
Aux xxe et xxie siècles, Henri Salvador écrit et
chante un humoristique Attila est là en 1967, en 2009 Danton Eeprom donne ce nom un à titre de musique électronique dans son
premier album Yes is More121. Le poète et député
hongrois Sándor Lezsák écrit un opéra-rock Attila, az Isten kardja mis en scène et joué par Levente Szörényi en 1993122.
La littérature russe et
soviétique de la première moitié du xxe siècle, dans l'élan du « scythisme », qui célèbre les
racines asiatiques de la Russie, s'empare de la figure d'Attila. Valéri Brioussov lui consacre
un poème en 1921 où
Attila personnifie la crainte de la destruction et l'espoir du
renouveau. Ievgueni Zamiatine écrit le roman
historique Le
Fléau de Dieu sur la jeunesse d'Attila. De
nombreux autres écrivains de pays différents lui ont aussi consacré un roman
historique comme l'Allemand Felix Dahn dans ses Romans
historiques de la Grande Migration publiés
entre 1882 et 1901, le Canadien Thomas Costain
en 1959, ou
encore l'auteur américain de thrillers historiques William Dietrich avec Le Fléau de Dieu en 2005. Si Attila est représenté en
Barbare, il sert aussi à critiquer un monde romain décadent, mou et dépravé123.
Cinéma et télévision[modifier | modifier le code]
Le premier film
mettant en scène Attila est un film muet italien en
1918124. En 1924, le film allemand Les
Nibelungen de Fritz Lang, classique du cinéma,
décrit les Huns comme des brutes barbares. Les films américains Le Signe du païen de Douglas Sirk et italien Attila, fléau de Dieu de Pietro Francisci sortis tous
deux en 1954 conservent
cette image. À l'inverse, le téléfilm Attila
le Hun de Dick
Lowry en 2001, dépeint un Attila, incarné par Gerard Butler, beaucoup plus
positif et séduisant125.
Débutée en 2005,
la série télévisée Kaamelott d'Alexandre Astier met également en scène Attila dans quelques épisodes
(interprété par Lan Truong), en en faisant cette fois une interprétation humoristique.
Attila apparaît également en 2008, dans un épisode de la série de la BBC, Heroes and Villains (en), il est interprété par Rory McCann. Il apparaît également
dans le film La Nuit au musée sorti en 2006 où il est interprété par Patrick Gallagher.
Bande dessinée[modifier | modifier le code]
Attila est le
personnage central du huitième épisode de la saga des Timour dessinée par
Sirius dans le journal Spirou, Le Fléau de Dieu (1958), repris en album en 1960 sous le titre Timour contre Attila. Le chef hun
n'y est pas présenté comme une brute ou un barbare : au fil de
l'histoire, une estime réciproque naît entre les deux hommes. La bande
dessinée historique de Jean-Yves Mitton et Franck Bonnet Attila mon amour sort en six volumes de 1999 à 2003. Sur un ton humoristique, Manu
Larcenet et Daniel
Casanave transforment le conquérant en
dépressif dans Une aventure rocambolesque
d'Attila le Hun - le Fléau de Dieu publié
en 2006126. Le Fléau des dieux de Valérie Mangin et Aleksa Gajić transpose
le combat entre Attila et Ætius en space
opera127. En 2019,
les éditions Glénat et les Éditions du Cerf publient Léon le grand,
défier Attila (scénario de France Richemond, dessin de
Stefano Carloni, couleurs de Luca Merli) dans lequel on découvre comment le
pape Léon le Grand aurait
dissuadé Attila et sa horde de piller Rome en 452. Dab's a également créé Le
Club des Huns, une bande dessinée humoristique
centrée autour d'Attila qui, pour retrouver sa gloire passée, décide
d'envahir la Gaule avec ses guerriers128.
Jeux vidéo[modifier | modifier le code]
Dans Age
of Empires II: The Conquerors, une campagne retrace toutes les
grandes conquêtes d'Attila, de son accession au trône jusqu'à la chute de
l'Empire romain d'Occident.
Dans les
mathématiques[modifier | modifier le code]
Matrice Attila ou matrice des uns.
On désigne parfois
par « matrice Attila » la matrice de Mn(K) dont tous les coefficients sont
des uns, du fait de son appellation « la matrice des uns ». Cette
notation récente n'est pas universelle et conduit parfois à des erreurs avec
des étudiants qui n'ont pas compris l'allusion sous-jacente.